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Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/379

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mes heures de repos. Un avoué me donna des rôles à copier ; je pris, avec un agent de publicité, des arrangements pour faire des bandes ; une dame charitable m’employa à la comptabilité de ses petites affaires. Pendant sept ans, j’ai passé mes nuits au travail, dormant une heure à peine, ne mangeant pas, brisé de fatigue, mais heureux si, à la fin du mois, je pouvais apporter à ma femme, une centaine de francs, qu’elle dépensait aussitôt en pommades, en glycérine, en menus objets avec lesquels elle se parait, se maquillait, se pomponnait.

Elle n’avait point changé. Ses exigences étaient les mêmes ; les scènes, les disputes, les colères continuaient. Jamais il ne lui vint à l’esprit de me remercier, de me récompenser par un regard de bonté, une douce parole, un encouragement. J’étais toujours poursuivi, hanté, obsédé par ce mot : l’argent, qui se faisait plus dur, plus aigre, plus impérieux. Pauvre, pauvre chère femme, comme je t’aimais ainsi !