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Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/380

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Pourtant, ma santé s’altérait ; peu à peu, je perdais mes forces. Il m’arrivait souvent de m’évanouir ; la mémoire aussi m’échappait ; l’intelligence se faisait plus lente, et je sentais, dans mon cerveau, comme un épaississement de ténèbres et des lourdeurs de nuit. Je rentrai un jour, chez moi, la tête affolée, les oreilles bourdonnantes, crachant le sang.

— Il s’agit bien de cela, s’écria ma femme. Tu vas te coucher, maintenant, propre-à-rien ! Et l’argent, tu sais qu’il me faut de l’argent demain, beaucoup d’argent ? Arrange-toi comme tu pourras !

De l’argent, beaucoup d’argent ! Je me rhabillai.

Il faisait nuit. Une pluie glacée tombait dans les rues miroitantes. Je marchais le long des boutiques, m’appuyant au rebord des devantures pour ne point m’écrouler sur le trottoir. J’avais comme une barre à l’estomac, et dans le cerveau quelque chose qui me brûlait. Je fus près de défaillir. Je