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Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/167

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constater, c’est que les intérêts sont immuables… immuables, comprenez-vous ?… Or, l’intérêt exige que je m’enrichisse de toutes les manières, et le plus qu’il m’est possible… Je n’ai pas à savoir ceci et cela… je m’enrichis, voilà le fait… Quant aux ouvriers… ils touchent leurs salaires, n’est-ce pas ?… Qu’ils nous laissent tranquilles… Ah ça ! vous n’allez pas, je pense, établir une comparaison entre un économiste et un producteur tel que je suis, et le stupide ouvrier qui ignore tout, qui ignore même ce que c’est que Jean-Baptiste Say et Leroy-Beaulieu ?…

Robert, ironique.

Lesquels, d’ailleurs, ignorent aussi totalement ce qu’est l’ouvrier…

Capron

L’ouvrier ?… Heu !… L’ouvrier, mon jeune ami, mais c’est le champ vivant que je laboure, que je défonce jusqu’au tuf… (S’animant.) pour y semer la graine des richesses que je récolterai, que j’engrangerai dans mes coffres. Quant à l’affranchissement social… à l’égalité… à — comment dites-vous cela ? — la solidarité ?… Mon Dieu ! je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’ils s’établissent, dans l’autre monde… Mais dans ce monde-ci… halte-là !… Des gendarmes… encore des gendarmes… et toujours des gendarmes… Voilà comment je la résous, moi, la question sociale…

Duhormel

Vous allez un peu loin, Capron… et je ne suis pas aussi exclusif que vous… étant plus libéral que vous… Pourtant, je ne puis nier qu’il y ait beaucoup de vérité dans ce que vous avancez…