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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/186

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petites, et crus avoir assez de force pour attendre patiemment la fin de ce rêve douloureux.

» Privé de mon instituteur, je fus appelé en Belgique, où mon père était tout-puissant. Il me reçut avec tendresse et avec désespoir : il m’aimait, mais il ne pouvait changer ma couleur.

» Je ne puis douter de son affection : souvent j’ai surpris ses larmes, lorsqu’il me regardait en silence et qu’il songeait à ma mère. Tout me persuade même que ses enfants légitimes lui sont moins chers que moi. Mais cet amour fait son tourment ; il ne conçoit pas que je puisse être heureux sans dignités et sans puissance, et l’obstacle insurmontable qui m’empêche d’y prétendre le rend plus misérable que je ne le suis.

» Indifférent aux honneurs, je m’en voyais éloigné sans peine ; mais mon cœur était vide et avait besoin d’attachement. Le hasard parut vouloir me favoriser : je sauvai une jeune fille que des soldats avaient ravie, et sa reconnaissance diminua l’aversion que lui inspirait un mulâtre. Peu à peu elle s’habitua à ma couleur ; je devins son ami,… je l’aimai. Elle ne connaissait pas le secret de ma naissance : toute sa famille avait péri sur l’échafaud par l’ordre cruel d’un Espagnol… Elle apprit que le barbare était mon père !… et je ne l’ai plus revue.

» Fatigué de vivre, mais incapable d’un crime, je voulus aller chercher la mort dans les combats ; mais je ne souhaitais que les dangers d’un soldat : mon père m’imposa le rang d’officier. Je fus nommé capi-