Aller au contenu

Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taine d’une de ces compagnies albanaises dont la férocité atteste l’origine : peut-être était-ce la seule troupe qui eût souscrit à recevoir les ordres d’un mulâtre.

» Depuis peu de jours seulement j’occupe ce poste ; mais dans ce peu de jours combien d’humiliations ! Objet de la haine des autres officiers, qui se croient presque déshonorés par mon élévation ; méprisé de mes propres soldats, qui s’imaginent me faire une grâce en m’obéissant, je n’ai encore rencontré qu’un seul homme qui ne cherchât point à m’éviter ou à m’avilir, et cet homme c’est vous. »

Plus d’une fois pendant ce récit la compassion s’était peinte sur la figure du jeune Belge. — Don Alonzo ! reprit-il d’une voix émue, votre malheur est grand ; mais comment une victime des préjugés et de l’orgueil, comment un homme dont les souffrances ont dû ennoblir l’âme, s’arme-t-il pour combattre les derniers défenseurs de la liberté ? Opprimé vous-même, fallait-il vous faire le satellite de l’oppression ?

Le mulâtre baissa les yeux. — Votre franchise, dit-il, est le gage d’une confiance dont je suis fier ; mais quand vous me parlez le langage d’un homme libre, vous oubliez que j’ai un père.

— Quelque sacrés que soient les droits d’un père, il ne peut vous forcer au crime. Voudriez-vous, pour lui obéir, dérober le prix du travail d’un autre ou tremper vos mains dans le sang innocent ? Vous frémissez, don Alonzo. Eh bien ! apprenez de moi que le plus grand