Aller au contenu

Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grand Dieu ! tous nos dangers et tout notre salut viennent donc de ce jeune homme ! C’est une fatalité sans exemple, et je crois que si vous étiez resté patriote, il nous aurait fallu le devenir. Mais, dites-moi, puisque vous êtes revenu au bon parti, comment avez-vous pu souffrir à votre suite ce vieux matelot auquel vous avez fait porter les couleurs des Gruthuysen ? C’était un rebelle enragé, et son audace pouvait à chaque moment vous rendre suspect.

— L’avez-vous donc reconnu sous ce déguisement ?

— Il est venu se faire tuer sous les fenêtres de notre prison, répondit la douairière de l’air de la plus parfaite indifférence.

— Se faire tuer ! répéta le jeune homme en pâlissant.

La baronne, fortement persuadée qu’elle parlait à un bon royaliste, ne prit pas garde à l’émotion que témoignait son libérateur, et elle continua du même ton : — Je pense que toute la ville en parlera ; car les circonstances de sa mort ont quelque chose d’assez extraordinaire : quoique ce fût un patriote, il a montré vraiment du courage, et je ne croyais pas qu’homme du monde eût osé faire ce que ce vieux marin a fait. Sans autre arme qu’un bâton il s’est précipité seul sur une troupe de soldats, en a renversé plusieurs, s’est bravement défendu contre le reste, et enfin, pressé de toutes parts, il s’est jeté dans l’eau, entraînant dans sa chute un officier espagnol.