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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/242

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se croyait revenu aux temps heureux de la liberté et de la prospérité publique.

Les choses restèrent dans cet état pendant quelques semaines ; mais la défaite du comte de Genlis, qui avait voulu combattre seul l’armée espagnole, et le massacre de la Saint-Barthélemy, si funeste aux protestants de France, ayant rompu toutes les mesures que Guillaume de Nassau avait concertées pour la délivrance des provinces méridionales, Malines se trouva inondé de troupes, qui revenaient du Hainaut mécontentes et harassées. On les logea chez les bourgeois, et le peuple, ignorant les causes de leur retraite, les accueillit avec joie, se figurant qu’elles marchaient sur Bruxelles. La baronne de Berghes, dont l’hôtel était vaste et situé dans une des principales rues, fut réduite à recevoir dans ses pénates deux officiers de cette armée hérétique, que, pour comble de malheur, elle croyait victorieuse. Elle voulut du moins se dérober soigneusement à leurs regards, et se tint renfermée avec sa nièce dans l’appartement le plus écarté; mais l’un des deux officiers exigea qu’on l’introduisît auprès d’elle. C’était un vieux militaire couvert de cicatrices, dont la figure mâle et la voix impérieuse inspiraient aux gens de la maison un respect mêlé de crainte. Ils oublièrent les défenses de leur maîtresse, pour obéir à cet hôte redoutable, et le conduisirent auprès des deux dames.

Marguerite et sa tante travaillaient à broder un riche manteau qu’elles destinaient à une statue de la sainte Vierge, lorsque la porte de leur appartement