Aller au contenu

Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/243

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’ouvrit et qu’elles virent entrer un homme couvert de fer, dont l’aspect les effraya d’abord ; mais ses cheveux blancs, sa figure franche et ouverte, son regard plein de bonté les rassurèrent aussitôt, et avant qu’il eût pris la parole leur inquiétude s’était déjà évanouie.

— Pardon, mesdames, pardon ! s’écria-t-il en s’approchant d’elles ; je n’ai pu résister au plaisir de revoir d’anciennes connaissances ; mais peut-être ne me remettez-vous pas sous ce nouveau costume. Je suis votre camarade de prison, le capitaine Von Hohenstrass.

À ce nom la douairière laissa tomber son ouvrage et fit le signe de la croix : Ainsi, dit-elle, vous avez apostasié ! vos cheveux blancs ne vous ont point averti que le jour du jugement était proche, et vous voilà armé contre le Dieu que vous avez servi.

— J’ai fait la guerre en Hongrie et en Croatie, reprit le vieux soldat sans paraître blessé de ces reproches ; j’ai suivi Charles-Quint en France et en Allemagne, j’ai assisté à la prise de Rome et au siège d’Alger : partout nos généraux se proclamaient les vengeurs de Dieu et leurs ennemis tenaient le même langage ; mais on n’en maltraitait pas moins le peuple, on n’en ruinait pas moins les campagnes, on n’en brûlait pas moins les villes. Dans cette guerre-ci, au contraire, l’innocent ne paie point pour le coupable, et je reconnais à cette marque certaine que, pour la première fois, nous combattons pour