Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/286

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des statues de saints, des crucifix et des emblèmes à la gloire du monarque régnant, étaient prodigués de toutes parts, tandis que sur un donjon à demi ruiné on distinguait à peine les vestiges du chiffre de Charles-Quint.

Mais ce qui peignait l’âme de Philippe, c’étaient les grilles et les pointes de fer, dont le palais était hérissé ; c’étaient les gardes à pied et à cheval, et les soldats de toute nation postés dans les cours et jusque dans les appartements ; c’était surtout l’air sombre et sinistre de tous ces satellites empressés à singer leur maître. Quelque brave que fût Louis de Winchestre, il ne put s’empêcher de frémir en entrant dans ce séjour de la tyrannie ; mais cette première émotion fit place à un généreux dédain quand il vit la méfiance et la terreur peintes sur le visage de tous ceux que la nécessité appelait dans ce palais : tous étaient munis de chapelets et de livres de prières, peut-être aucun n’avait jamais connu la véritable piété.

Le nombre des solliciteurs était plus considérable que de coutume, parce que le Roi, relevant à peine d’une longue maladie, on avait espéré qu’il se montrerait plus indulgent : aussi une foule de suppliants se pressaient les uns sur les autres dans l’immense galerie où il leur était permis de se rendre. Chacun ambitionnait l’avantage de parler le premier au Roi, et ceux qui étaient au rang le plus avancé n’eussent pas voulu céder leur place, même pour une somme considérable.