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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/287

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Le haut de la galerie se remplit bientôt de gardes et de courtisans ; ensuite vinrent quelques grands d’Espagne, la tête couverte, quoique le souverain les suivît ; enfin Philippe parut. C’était un homme de quarante-cinq ans, mais déjà gris, infirme et cassé comme un septuagénaire. Son costume magnifique semblait faire ressortir encore la pâleur de son visage. Sa taille, à peine médiocre, paraissait beaucoup trop petite sous le manteau royal qu’il portait. Sa figure peignait son caractère sombre, inquiet, faux et méfiant ; ses yeux petits et faibles avaient une mobilité perpétuelle, qui contrastait avec la gravité affectée du reste de sa physionomie ; ses sourcils noirs et épais semblaient toujours froncés ; son front était ridé, ses joues creuses, ses lèvres livides, et le bas de son visage, s’avançant au delà de toute proportion, achevait de donner à l’ensemble un caractère frappant de bassesse et de déloyauté[1].

Quand il s’approcha de l’endroit où les solliciteurs étaient rangés, on les vit tous trembler, et ils reculèrent, comme une meute de chiens timides s’enfuit quand elle voit revenir sur elle le sanglier terrible qu’elle poursuivait. Ceux qui un moment auparavant s’estimaient heureux d’être à portée de lui adresser la parole eussent voulu maintenant se cacher derrière les autres et se dérober aux regards de celui qu’ils étaient venus implorer.

  1. Les paroles que l’on a mises, plus loin, dans la bouche du Roi sont presque littéralement tirées des historiens. La plupart sont rapportées par Gregorio Leti, Vie de Philippe II, 2e partie, livre XX.