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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/329

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occupait dans ce séjour de douleur. Là il leur offrit une légère collation qu’il avait préparée pour eux ; mais Louis de Winchestre, saisi d’une émotion trop puissante, ne put se résoudre à accepter les mets délicats que lui présentait une main si souvent ensanglantée, et le pilote seul fit honneur au repas de son ancien camarade.

— Carino, lui dit-il, après avoir vidé plus d’une bouteille, où diable as-tu pris cet incomparable vin ? Il faut que tu sois riche comme un contrebandier pour acheter de pareil nectar.

— Par saint Jacques d’Alcantara ! tout cela ne me coûte que la peine de le prendre. En attendant l’heure de la question, les seigneurs inquisiteurs se régalent là-haut, et comme je suis assez bien avec leur maître-d’hôtel, on ne me refuse jamais quelques bribes du festin.

La surprise et l’horreur étaient peintes dans tous les traits du vieux marin. — Quoi, dit-il, ces maudits requins ont le cœur de faire fête au moment de torturer leurs semblables ! Le crocodile pleure avant de tuer un homme, et eux se réjouissent d’égorger leur frères !

— Que veux-tu ? répondit le familier ; le soldat s’enivre avant d’aller à la bataille, et nos saints pères ont besoin de puiser un peu de courage dans le jus de la treille pour supporter avec indifférence la vue du sang humain. Allons, mon brave Dirk, encore une rasade !

L’honnête Zélandais fit un geste d’aversion et de