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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/330

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dégoût. — Que la peste m’étouffe, s’écria-t-il avec feu, si j’accepte une goutte de plus ! Je ne toucherai pas davantage au vin de ces cannibales ; plutôt ne boire que de l’eau !… Mais quel est ce bruit ?

— N’y prends pas garde, répartit froidement l’Espagnol ; nous entendons cette musique toute la journée : ce sont les cris des pauvres diables auxquels on inflige des coups de discipline, pour mortifier la chair.

— C’est la voix d’une femme ! dit Louis de Winchestre. Au même moment la porte de la cellule s’ouvrit et une jeune fille à demie nue s’y précipita : ses longs cheveux épars étaient le seul voile qui couvrît sa gorge d’albâtre ; ses bras, aussi blancs que la neige, portaient l’empreinte des fers qui les avaient serrés ; ses larmes inondaient son visage, et elle s’écriait d’une voix qui eût touché le cœur le plus dur : Sauvez-moi, oh ! sauvez-moi de leurs mains ; tirez-moi d’ici ou donnez-moi la mort !

— Ce serait nous perdre avec elle, dit le familier de la sainte inquisition, dont la figure avait pris une expression encore plus dure et plus féroce que d’ordinaire ; et, saisissant cette malheureuse par les cheveux, il allait la traîner hors de la cellule ; mais Dirk Dirkensen, l’entourant d’un bras de fer, le força de s’arrêter.

— Lâche-moi, Dirk, ou je te tue ! s’écria l’alguazil furieux en appuyant un pistolet sur sa poitrine ; il faut que je te tue, si tu ne me lâches pas ! Le vieux marin conserva toute sa présence d’esprit ; il dé-