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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/345

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L’épreuve avait déjà duré un quart d’heure, quand le promoteur, retournant pour la troisième fois le sablier, recommença ses exhortations insidieuses : Ne vous exposez pas à mourir sans confession, ne soyez pas vous-mêmes votre assassin ; avouez, avouez.

L’accusé ne parut pas l’avoir entendu ; l’effort presque surnaturel dont il avait besoin pour soutenir une torture aussi douloureuse faisait saillir d’une manière hideuse les muscles de ses jambes et les os de ses épaules. Ses veines gonflées dessinaient par tout son corps de grosses lignes noires ou violettes, ses yeux sortaient de leur orbite, ses lèvres étaient couvertes d’écume, et une douleur excessive donnait à sa figure l’expression d’un rire affreux.

— S’il continue à étouffer ses cris, dit le médecin, c’est un homme mort.

Le moine voulut répondre : il essaya d’ouvrir la bouche, mais la douleur était trop violente ; ses mâchoires se resserrèrent par un mouvement convulsif, il grinça des dents, et quelques gouttes de sang découlèrent sur sa barbe blanche.

Un silence effrayant régnait sous la voûte du souterrain ; il ne fut interrompu que par la voix du promoteur qui calculait la durée de la torture : — Dix-huit minutes ! dit-il d’un ton solennel.

Un profond soupir s’échappa de la poitrine du Roi.

— Dix-neuf minutes ! reprit le promoteur.

Une voix murmura : Il est innocent, et Philippe fut contraint de s’appuyer contre la muraille, pour ne point tomber à la renverse.