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Page:Moke - Le Gueux de Mer ou La Belgique sous le Duc d'Albe, sd.djvu/344

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suspendu, ils attachèrent un poids énorme à ses pieds.

Quoique ce genre de torture fût le moins rude de tous ceux qu’on employait à l’inquisition, il exposait encore l’accusé à des souffrances épouvantables. Les épaules, ordinairement trop faibles pour résister au fardeau qui pesait sur elles, se disloquaient, et les jointures se détachaient avec un horrible craquement : aussi n’était-il pas rare que ceux qu’on renvoyait absous restassent estropiés ; les plus robustes même, cédant bientôt à la douleur, poussaient des cris effroyables aussitôt que le poids fixé à leurs pieds leur faisait éprouver cette affreuse tension qui semblait arracher tous les membres.

Mais il n’en fut pas de même du franciscain : doué d’une énergie plus puissante que la douleur, il sut étouffer l’expression de la souffrance, et on eût pu l’y croire insensible, s’il eût été aussi maître de cacher la contraction effrayante de ses muscles que de retenir ses gémissements.

Après cinq minutes d’un profond silence, le promoteur du saint-office retourna l’horloge de sable qui marquait la durée des tourments, et dit à l’accusé : Lucas d’Alienda, pourquoi prolonger vos souffrances ? avouez, avouez.

Le moine fit un effort, et, d’une voix à peine intelligible, il répondit : Je suis innocent.

Cinq minutes s’écoulèrent encore. Ayez pitié de vous-même, reprit le promoteur ; avouez, avouez.

Le patient ne répondit que par un regard plein de mépris.