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CŒUR MAGNANIME

J’oubliais de te dire que mes braves Muller nous avaient invités tous les cinq. Bien entendu nous avons été bourrés de « choucroute », une friandise nationale pour les Alsaciens ; par exemple il faut des estomacs d’Allemands pour digérer ce plat substantiel, je n’en raffole pas précisément ; mais comme ce mets ne se sert jamais sans bière que j’adore, le liquide m’a dédommagé du solide ; d’ailleurs le menu ne se bornait pas à ce plat de résistance, et nos appétits de vingt ans y ont fait honneur. Mes hôtes étaient dans la jubilation. Leur jeune fille arrive demain.

J’imagine que mon ami Girard te fait un brin de cour pendant mon absence ; mais je n’en suis plus jaloux à présent que j’ai la douce assurance que je suis l’heureux élu de ton cœur.

Dis mille tendres choses de ma part à nos bons parents. À toi, ma bien-aimée, je donne le meilleur de mon cœur. Aime-moi toujours, ta tendresse c’est mon bonheur, sans elle je ne pourrais vivre. Écris-moi vite, tes chères lettres sont mes plus douces joies et mon réconfort dans l’exil.

Et Léocadie ? Est-elle un peu apaisée envers « cet enfer de Paris » ? Dis-lui que je ne suis pas encore « parisianisé », et qu’elle peut compter que je reviendrai aussi « canadien » qu’à mon départ.

Une tape amicale à Soudan. Tu me dis que depuis que je suis parti il a cessé ses joyeuses gambades. Pauvre bête ! Tâche de lui faire comprendre que son jeune maître ne l’oublie pas. Mes hôtes ont un affreux bouledogue, lequel m’a pris très sérieusement en grippe ; c’est heureux que sa taille n’ait point la proportion de la mienne, certainement qu’il m’aurait déjà avalé…