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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/100

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

Le poëte-mousquetaire était poudré. Tout en se penchant sur son miroir et en mettant son épée pour sortir, il ne dédaigna pas de donner quelques conseils au jeune abbé défroqué, comme, par exemple, de troquer son vilain habit noir contre un autre de taffetas à lames roses, de rechercher les faveurs des femmes de condition, et surtout de relire les Tourterelles de Zulmis, de lui, Dorat, un modèle de grâce musquée et de délicatesse ; puis, en fin de compte, il l’envoya papillonner dans l’Almanach des Muses.

Le jeune Cubières avait l’intelligence heureuse ; il était bien né ; son grand-père avait autrefois été honoré des bontés de Louis XIV ; son frère aîné, le marquis de Cubières, était vu d’un fort bon œil dans les appartements de Versailles, voire même sur les pelouses de Trianon, où il herborisait comme Jean-Jacques. Il ne fut pas extrêmement difficile d’obtenir pour l’échappé du séminaire une place d’écuyer auprès de madame la comtesse d’Artois. L’habit galonné remplaça le petit collet, l’air de tête du gentilhomme se retrouva sans effort sous la tonsure encore fraîche, et ainsi fut remplie la première condition du programme tracé par Dorat. « Bravo !  » lui dit celui-ci dès qu’il le vit venir une seconde fois dans son cabinet.

L’Almanach des Muses, ce bosquet toujours vert, d’où s’échappaient les gazouillements de tous les poëtes de France, accueillit Michel de Cubières comme un de ses hôtes naturels. À peine entré, il charma le voisinage par ses accents mélodieux, par son aimable délire, par sa magique ivresse ; on le cita bientôt parmi les rossignols de l’élégie et les pinsons de la fable, parmi les linots de l’églogue et les moineaux de l’é-