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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/102

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

Toutes deux revivent en elle.
Ah ! ses talents ingénieux
Méritent bien tous nos suffrages,
« Car ce n’est qu’en voyant ses yeux
Qu’on peut oublier ses ouvrages. »

Cette fois, l’abbé de Cubières était tout à fait devenu le chevalier de Cubières. Je ne sais ce que Dorat pensa des progrès de son élève ; mais Dorat était plus poëte qu’amoureux, et plus homme d’esprit que poëte. Il fit, dit-on, semblant de ne rien voir : c’était ce qu’il avait de mieux à faire.

Le chevalier de Cubières, que la marquise d’Antremont appelait jeune et brillant Cubières, ne s’arrêta pas en si beau chemin. Tout en cueillant des fleurettes sur les rives enchantées du Permesse, il arriva à la Comédie française, où il eut toutefois moins de succès qu’à l’Almanach des Muses. En peu d’années, il acquit la réputation du poëte le plus fécond de la ville et de la cour, de l’improvisateur le plus étourdissant. Les coquettes le recherchèrent, surtout à cause de son aptitude singulière pour l’adulation. C’était un madrigalier ou arbre à madrigaux : il suffisait de le toucher pour en faire tomber un distique ou un quatrain.

Afin de voiler sa trop grande fécondité et de donner le change à la critique, le chevalier de Cubières se dédoubla un beau matin et inventa un M. de Palmézeaux, qu’il rendit responsable du trop plein de sa verve poétique. Le chevalier de Cubières d’un côté, et M. de Palmézeaux de l’autre, inondèrent à la fois de leurs rimes clarifiées le Mercure de France, l’Almanach des Grâces, les Étrennes de Mnémosyne, les Étrennes lyriques, les Étrennes du Parnasse, les Veillées des