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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/110

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

idées nouvelles, et surtout dans la poésie nouvelle. Dorat-Cubières hésite un peu, puis enfin, ne voulant point passer pour suspect, il entonne :

Salut, Hébert ! et salut, Pache !
Rivaux des Brutus, des Catons !
Permettez que ma muse attache
Un brin de chêne sur vos fronts, etc., etc.

Le fossé est franchi. Il ira maintenant plus loin, comme enthousiasme démagogique, que cet autre berger son confrère, le berger Sylvain Maréchal. Infidèle à ses dieux, il brûlera ce qu’il a adoré, il appellera la cour un repaire de tyrans, la reine une Euménide, le roi le dindon Capet. Enfin il attachera un brin de chêne sur le front de Marat, — de Marat, en qui il reconnaît un mélange étonnant d’énergie et de grâce.

Tu n’iras pas plus loin, Dorat-Cubières !

Mais que dis-je ? Convient-il bien encore de l’appeler Dorat ? Lui-même ne se repent-il point d’avoir pris un peu à la légère le nom de ce poëte aristocrate ? Écoutez-le s’exprimer à ce sujet : « Il est douteux, dit-il, que la Révolution française eût fait beaucoup de plaisir à Dorat ; son genre de vie vraiment fastueux pour un homme de lettres, ses habits brodés et son carrosse, son valet de chambre et le luxe de ses éditions, ne lui eussent guère permis d’en sentir le prix ; et moi, j’en ai paru si enchanté, que je n’ai fait que la célébrer depuis qu’elle est arrivée, et qu’il n’est pas sorti de ma plume féconde et variée un seul ouvrage qui n’y eût quelque rapport ; la liberté et l’égalité sont mes idoles ; et les idoles de Dorat n’étaient pas à beaucoup près si populaires ni