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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/122

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

IV

Le salon de madame la comtesse de Beauharnais est le seul qui soit resté ouvert à toutes les époques et pendant toutes les crises de la Révolution française. On peut dire que c’est à la fois le dernier salon du dix-huitième siècle et le premier du dix-neuvième. Terrain neutre et exclusivement consacré à la conversation légère, il a été traversé successivement par les hommes les plus divisés d’opinions et de partis : l’abbé de Mably, Cazotte, Mercier, Bitaubé, le baron de Clootz, le comte de Saint-Aldegonde et l’infortuné Bailly. On dînait plusieurs fois par décade chez la comtesse de Beauharnais ; et, comme les dîners ont toujours eu beaucoup de succès sous tous les gouvernements, ce fut là sans doute ce qui fit fermer les yeux sur ce que son logement de la rue de Tournon avait peut-être de trop somptueux et d’anti-républicain.

Dorat-Cubières y remplissait les fonctions de majordome ; ce qui scandalisa quelques bonnes âmes et fit un tort réel à madame de Beauharnais. Le Cousin Jacques, dans son Dictionnaire néologique, s’exprime à ce propos de la manière suivante : « Je n’examine pas de quelle nature était la liaison qui existait publiquement entre le chevalier de Cubières et cette femme vraiment intéressante, mon emploi n’étant pas de m’immiscer dans les affaires domestiques et de juger les mœurs particulières. J’affirme seulement qu’il est très-possible que la calomnie, qui