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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/136

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

mier coup prit-elle le rang qui lui convenait, car il n’est pas de long noviciat parisien pour les femmes du Midi. Avant un mois, elle fut obligée de capituler en présence des grands cordons, des petits-maîtres, des littérateurs ambrés qui assiégeaient son antichambre : tout Paris avait pour elle les yeux de Montauban. Dès lors, elle crut devoir changer son nom d’Olympe Aubry en celui d’Olympe de Gouges, nom d’une euphonie peu satisfaisante, mais auquel se rattachait sans doute quelque souvenir local.

Le peu que chuchotent de ses amours les gazettes de ruelles, ce peu-là suffit pour nous arrêter au seuil de l’exploration. Il paraît qu’un rayon de soleil avait passé dans sa veine, ou que l’archer divin qui poursuit de ses flèches les nymphes de Guide, l’ayant surprise endormie sur l’herbe aromatisée du matin, avait épuisé contre elle son carquois. La vérité est que la jeunesse d’Olympe en garda ces ardeurs enivrantes que rien ne tempère et des caprices de bacchante affolée…

Son règne dura autant que durèrent sa beauté, sa grâce et sa coquetterie. Quand de tout cela il fut moins question, c’est-à-dire quand elle commença à entrer dans la période de trente ans, Olympe de Gouges, qui s’était laissé prendre aux joies de la vanité, se demanda comment elle allait faire pour prolonger cette existence aperçue et sonore à laquelle elle était habituée depuis longtemps. Ce fut alors que le démon des lettres s’offrit à elle sous des couleurs séduisantes et faciles, et qu’elle entreprit de devenir la Sapho de son siècle, d’autant plus que tous les hommes finissaient par devenir pour elle des Phaons.