Aller au contenu

Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
OLYMPE DE GOUGES.

— Déplorable erreur de ces femmes sans vocation qui se servent de la rhétorique comme d’un pot de fard ou d’une boîte à mouches, qui pensent qu’un volume leur ôtera une ride, et que la jeunesse du cerveau fait l’éternelle jeunesse du visage.

À l’époque où la veuve du traiteur Aubry mettait la plume à la main — de son secrétaire, — car elle n’avait pas encore eu le temps d’apprendre à écrire, à cette époque, dis-je, M. le marquis de Pompignan faisait ses bagages pour l’éternité. On se racontait même à ce sujet une anecdote qui caractérise assez bien son irascibilité. Pendant que les suites d’une terrible attaque d’apoplexie le tenaient sur les bords du tombeau, ses amis essayaient de le faire revenir à lui pour remplir les devoirs de la religion. Mais vainement faisait-on résonner à ses oreilles le diable et l’enfer, le moribond, en dépit de sa grande ferveur, était d’une alarmante insensibilité. Ce que n’avaient pu les exhortations et les menaces, le nom seul de Voltaire l’opéra. Madame de Pompignan, se penchant sur son chevet, s’avisa de lui dire : — Eh ! mon cher mari, songez que si vous ne vous rendez pas à nos vœux, vous brûlerez éternellement à côté de ce coquin de Voltaire ! À ces mots, M. de Pompignan souleva la tête et recueillit toutes ses forces, afin d’obtenir dans l’autre monde une place bien éloignée de celle que quelques personnes ont assignée à l’auteur de Zadig.