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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/138

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

II

Ici commence pour Olympe de Gouges une nouvelle existence : Apollon a remplacé Éros. Aux orages du cœur vont succéder les tempêtes de l’imagination. Ne rions pas trop des foucades littéraires de cette femme ; elle a souvent rencontré l’esprit et le sentiment, la passion et la force. Le genre qu’elle adopta et vers lequel sa nature la poussait irrésistiblement, ce fut le drame, ce ne pouvait être que le drame. Elle en composa immédiatement une trentaine, mais pour les faire jouer elle éprouva des difficultés de toute espèce, suscitées en partie par sa vivacité et son impatience languedociennes. Grâce à la protection de l’acteur Molé, elle était cependant parvenue à faire recevoir Zamor et Mirza ou l’Heureux Naufrage ; le comité tout entier avait versé des larmes à la lecture ; il ne faut pas en être étonné : mademoiselle Contat faisait bien pleurer, elle aussi, rien qu’en lisant les mémoires de sa blanchisseuse.

On avait promis un tour de faveur à Olympe ; mais ce tour n’arrivait guère, et Olympe s’épuisait en démarches et en cadeaux. Il faut lire ces piquants détails dans son manifeste contre la Comédie française : « Molé ! dit un jour en ma présence la divine madame Raymond, tu me donnais tous les ans un oranger ; en voilà deux que tu me dois. — Je saisis ce trait de lumière, je vole chez le plus fameux jardinier-fleuriste, j’y cherche les deux plus beaux