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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/146

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

épisodique ; l’idée que nous avons pu en donner est sans doute imparfaite, mais elle suffit pour faire revenir un peu le lecteur sur le compte d’Olympe de Gouges. Par malheur, son amour-propre excessif se met toujours en travers de ses qualités. « Des personnes consommées dans la littérature m’ont assuré cette production bonne ; à mon avis il n’en est point de meilleure. Ce fut dans un rêve que j’achevai de la concevoir ; Molière m’apparut, il me traça lui-même le plan que je viens de traiter : « Suis-le, me dit-il, je te promets que la Comédie reviendra sur ton compte. » Rendue forte par cette vision, Olympe demanda une lecture, qu’elle obtint au bout de huit jours. C’était un mercredi, et les comédiens avaient fait la veille le voyage de Versailles ; après deux heures d’attente, le garçon de théâtre fut envoyé chez eux pour savoir s’ils étaient réveillés. Ils étaient tous sortis. Le semainier congédia donc madame de Gouges, après un million d’œillades, et la partie fut remise au dimanche d’ensuite. Mais à peine avait-elle franchi le seuil, que ces messieurs, qui la fuyaient comme des loups, arrivèrent les uns après les autres, comme des moutons. Par malheur, ils avaient compté sans l’inquisition de madame de Gouges, qui, depuis quelque temps, pour mieux surveiller leur conduite, logeait précisément en face de la Comédie, et qui, lorsqu’elle s’absentait, avait toujours le soin de laisser en embuscade son jeune fils. Toute sa colère retomba sur Fleury, auquel elle écrivit une page d’amertume et de reproches ; celui-ci ne se donna pas la peine d’y répondre ; seulement, le samedi soir, veille de la lecture, il lui fit dire lestement par l’ouvreuse de loge que quelqu’un la de-