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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/18

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OUBLIÉS ET DEDAIGNÉS.

II

Linguet a souvent fait montre de son origine plébéienne, à une époque où il était de bon goût chez les auteurs de se débaptiser, ou du moins de s’anoblir. Que Linguet ait gardé son nom, rien de mieux ; mais qu’Arouet ait pris celui de M. de Voltaire, Lerond celui de M. d’Alembert, Nicolas celui de M. de Chamfort, je ne vois aucun mal à cela. Tout homme qui entre dans la vie publique et qui, par conséquent, se préoccupe de l’influence qu’il veut exercer, me semble parfaitement libre de choisir son nom, d’autant plus que ce nom est appelé à retentir, et que le déterminer par les lois de l’euphonie, c’est à mon sens faire acte de prévenance vis-à-vis du public. Le même sentiment guide les comédiens dans l’adoption de leurs pseudonymes redondants : Floridor, Bellerose, Montfleury, Saint-Phar. Il est d’ailleurs entre les noms et les individus des relations secrètes, mystérieuses (Sterne les avait signalées avant moi), qui équivalent parfois à une sorte de fatalité. Scarron fait la grimace comme son nom ; Dorat offre le petit-maître doré et langoureux ; Chateaubriand exprime la pompe et la hauteur.

Chez les contemporains, ces mêmes rapports, que j’appellerai cabalistiques, si vous voulez, se reproduisent avec une égale évidence. Hugo et Balzac disent les tourments de la pensée et de la forme, tandis que le nom de Lamartine résonne comme