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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/266

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

dire ; elle avait une robe lamée d’or, que des poignées de perles retroussaient, et, sur ses cheveux, divinement poudrés, un loquet chiffonné par une élève de la Duchapt, qui laissait échapper des plumes et des pierreries.

Il était clair, décidément, qu’elle avait voulu me faire honneur, grand honneur.

Néanmoins, je ne figurais pas trop mal en face d’elle : mon habit était bien un peu flétri, ma cravate un peu rousse (Denise brûlait toujours le linge en le repassant) ; mes dentelles étaient reprisées en plusieurs endroits ; mais l’air de tête rachetait tout ; je pouvais en juger dans les glaces qui nous environnaient.

Pourtant, encore une fois, ce souper avait quelque chose de chagrin.

Les domestiques qui nous servaient laissaient lire sur leur figure une expression de froideur exagérée ; ils allaient et venaient sans qu’on entendit le bruit de leurs pas.

À vrai dire, je sentais confusément tout ce que cela signifiait ; — et la Du Barry finit par le sentir à son tour. Cela signifiait qu’il y avait à cette table une courtisane et un pamphlétaire, deux personnages de la même étoffe, la pire espèce d’homme et la pire espèce de femme, à ce qu’on prétend. Cela signifiait que le rôti du roi de France était mangé en ce moment par une grisette parvenue et par un chevalier décrié, et qu’un tel spectacle, au milieu de ces lambris dorés, manquait, sinon de curiosité, peut-être de grandeur ou du moins de convenance.

Dès que cette révélation se fut faite à nous, — et ce fut l’affaire d’un regard échangé, — nous éprou-