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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/328

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

« suzon. — Tout ce qui vous fera plaisir, monsieur Janot ; mais faudra revenir de bonne heure, nous goûterons en chemin.

« janot. — Oui, je passerons par Sèves, j’y mangerons des petits gâteaux de Nanterre, comme j’en avons mangé l’aute jour, tout le long de la rivière, avec du beurre dessus.

« suzon. — Et vous souvenez-vous des cerises que j’avons mangées aussi ?

« janot. — Pardine ! je le crois ben, de c’te petite marchande qui était si jolie, à trois sous la livre…[1]. »

C’est une création vraiment nationale que ce Janot, qui espère toujours gagner à la loterie, quoiqu’il n’y mette jamais ; « mais l’hasard est si grand ! » dit-il. C’est un type résolument burlesque que ce valet qui demande à son maître douze sous pour acheter une

  1. La plupart de ces formules ont été résumées dans une chanson populaire que nous transcrivons ici comme le meilleur modèle de janotisme :

    Je suis Janot ; mes actions comiques
    Ont fait de moi rire depuis longtemps,
    Et de mon pèr’ je suis le fils unique,
    Quoiqu’cependant nous étions douze enfants.

    Un jour, la nuit, j’entendis l’ver mon père ;
    Il vint à moi et m’dit comm’ ça : — Janot !
    Va-t’en chercher du beurre pour ta mère,
    Qu’est bien malad’, dedans un petit pot.

    J’entre en passant chez mon oncle Licorne,
    J’lui dis com’ça : — Tonton, dépèchez-vous
    D’met’ voir’ chapeau sur vot’ tête, à trois cornes,
    Et, après ça, d’faire un saut d’plus chez nous.

    Il trouva mal cette pauvre Jeannette ;
    C’était mon pèr’  qui l’avait trop bourrée
    Avec un gros com’  moi morceau d’galette,
    Qui v’nait d’mon frèr’ qui l’avait trop beurrée.