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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/327

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DORVIGNY.

« janot. — Bonsoir donc, mam’zelle Suzon… Si ça dure, j’aurons une belle journée cette nuit. Y-fera beau demain pour la promenade. Si vous voulez, j’irons déjeuner comme j’avons été dimanche dernier, à Saint-Cloud ; vous en souvenez-ti ?

« suzon. — Pardine ! si je m’en souviens ? témoin j’y ai t’oublie mon p’tit couteau que vous m’aviez donné, où ce que j’en ai t’eu bien du chagrin, allez.

« janot. — Comment ! st’ustache que je vous avais t’ait présent ? Ah ben I voyez comme c’est un sort ! Mais c’est égal, je vous en donnerai un aute, un véritable couteau de Langue, tous ce qu’il y a pus meilleur ; vous n’en verrez pas la fin de celui-là. Il m’a déjà usé deux manches et trois lames, c’est toujours le même !

« suzon. — C’est ben honnête à vous, monsieur Janot ; faut pas vous défaire de vos meubles comme ça pour moi.

« janot. — Ah ! pardonnez-moi, mam’zelle, c’est rien que ça. En parlant de couteau, c’est feu mon père qui en avait un beau, devant Dieu soit son âme, pendu à sa ceinture, dans une gaine, avec quoi il faisait la cuisine…

« suzon. — À quelle heure vous vienrez me prendre, pour que je me tienne prête ?

« janot. — À huit heures. Mais dites donc, faut pas aller avec ce guernadier de l’autre jour. C’est de la mauvaise compagnie, ça, et vous savez ben le proverbe : Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu fréquentes. Vaut ben mieux n’être que moi et vous, voilà tout, et pis vot’ petite sœur, et mon p’tit frère et ma cousine ; ça fera cinq, nous jouerons aux quatre coins. Pas vrai, mam’zelle Suzon ?