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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/348

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

lement tout de travers. Bref, ce fut l’amour qui gagna la partie ce soir-là, ce fut l’hymen qui la perdit. (Très-joli !)

Lorsque arriva l’époque des assemblées électorales, les deux avocats se trouvèrent inévitablement en présence : tous les deux briguaient la députation ; — au premier tour de scrutin ils se partagèrent les voix, mais au second tour l’amant l’emporta sur l’époux et fut nommé. Ce n’était pas assez pour Nicolas Quinette, en qui s’alliaient des bouffées de plaisir aux bouffées d’ambition ; son triomphe ne lui parut complet que lorsque, par ses lettres brûlantes, il eut décidé la femme de son malheureux concurrent à le suivre à Paris. Ce fut le premier faux pas de Suzanne, qui n’avait point encore vingt ans, et qui était jolie, mais jolie à croquer.

Notre intention n’est pas de suivre Nicolas Quinette à la tribune, où l’on sait qu’il obtint quelques succès, grâce à sa faconde et à un air certain de Caton longtemps étudié. J’aime mieux le suivre dans ce petit appartement de la rue Saint-Honoré, sur le derrière, où elle et lui, Suzanne et Nicolas, s’enivraient des rayons de leur clandestine lune de miel. Les six premières semaines s’écoulèrent pour eux dans une retraite presque absolue : Quinette ne sortait que pour se rendre au Corps législatif ; le reste du temps, ils le passaient ensemble à lire, au coin de leur feu, les lettres admirables de Mirabeau à Sophie. Comme ils n’avaient qu’une seule chambre, Suzanne se blottissait derrière les rideaux du lit quand survenait quelque visite.

On ne connaît pas assez l’histoire secrète de la Révolution ; on ne nous a pas assez fait voir les dé-