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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/353

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LA MORENCY.

des mains des houlans. Le général Bender, au pouvoir duquel elle était tombée, cherchait tous les moyens de l’attendrir : il lui avait fait faire un charmant uniforme de chasseur tyrolien en drap bleu de ciel, les revers queue de serin, de jolies petites bottes à l’écuyère, et le chapeau avec le panache bleu et jaune. Ce fut sous ce costume, après mille traverses, après avoir été arrêtée et emprisonnée comme espionne, qu’elle parvint enfin à rejoindre l’armée française.

Cet épisode eut pour résultat de la rendre un peu plus prudente ; désormais elle se tint à l’écart du théâtre de la guerre et choisit pour résidence, tantôt Valenciennes, tantôt Lille. Dans cette dernière ville, le Colisée et la Nouvelle Aventure la virent enchaîner à son char une foule d’adorateurs. Mais son triomphe le plus important fut sans contredit la capture de Dumouriez, qu’elle rencontra aux eaux de Saint-Amand par une circonstance tout à fait singulière, — dont j’emprunte le récit à une correspondance adressée par elle à madame de la W.…, femme d’un ancien fermier général, à Paris.

« Je venais de prendre un bain ; couverte d’une grande gaule de linon, mes cheveux relevés avec un peigne, j’étais couchée sur un lit de repos, lorsque j’entendis tout à coup frapper à ma porte. À peine avais-je eu le temps de dire : « Entrez, » que je fus fort étonnée de voir un petit homme brun, l’œil pétillant de feu, le front martial, l’air noble. — Qu’y a-t-il pour votre service, monsieur ? — C’est à madame Quillet que j’ai l’honneur de parler ? Je restai stupéfaite à cette entrée en matière ; mais mon interlocuteur avait de l’esprit, et les gens d’esprit savent tou-