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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/358

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

on annonça tout à coup le député, objet de tant de blâmes et de louanges. Sa surprise fut extrême en reconnaissant le petit homme qui lui avait fait un doigt de cour, à l’enterrement de Saint-Fargeau ; la double réputation dont il jouissait comme poëte et comme homme politique tourna la tête de Suzanne, alouette qui se prenait à tous les miroirs !

Cette nouvelle liaison dura deux mois ; tous les jours de beau temps, elle allait chercher Fabre d’Églantine à la Convention, de midi à deux heures, pour se promener avec lui aux Tuileries. Le soir, entre deux pièces, à l’Opéra ou aux Italiens, elle sortait de sa loge, montait en voiture et se rendait au comité de la guerre, d’où elle le ramenait.

Voici ce qui trancha ces amours, que rien ne semblait pouvoir dénouer. Un soir qu’elle prenait l’air sous les ombrages du Palais-Royal, en compagnie de l’auteur de Philinte, un individu passa tout auprès d’elle et lui jeta une rose dans le sein. Suzanne poussa un cri de joie : c’était Hérault de Séchelles ! Voler vers lui et l’accabler des plus tendres questions, ce fut pour elle le temps d’un éclair ; Hérault fut dès lors immédiatement convaincu que l’absence ne lui avait fait perdre aucun de ses droits sur ce cœur à demi consumé. — Ramenez-moi chez nous, lui dit-elle, à la façon de la Lucile du Dépit amoureux, et sans s’inquiéter autrement de son poëte.

Pauvre Biron !

Pauvre Dumouriez !

Pauvre Fabre d’Églantine !