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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/357

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LA MORENCY.

La façon dont elle lit la connaissance de Fabre d’Églantine est entièrement due au hasard. Elle traversait le Palais-Royal pour se rendre dans la rue Saint-Thomas du Louvre, lorsqu’elle se vit arrêtée par le convoi de Saint-Fargeau. Désireuse de connaître les députés de la Montagne, elle pria quelqu’un de les lui désigner. Un petit homme, qui faisait justement partie du cortège, et dont l’œil brillait d’expression, vint à l’entendre, et, se tournant vers elle d’un air aimable : « Les voici, madame, lui répondit-il en montrant ses collègues. »

On a pu s’apercevoir que la timidité n’était pas le défaut de Suzanne ; aussi la conversation s’engagea-t-elle sur-le-champ entre elle et le petit homme, lequel eût voulu prolonger l’embarras des voitures qui retardait la marche du cortège. « Hélas ! madame, vous le voyez, nous sommes pressés ; de grâce, dites-moi s’il me sera possible de vous revoir ? — Monsieur ! fit-elle en se récriant. — Je sais, madame, toutes les objections que vous pouvez et même que vous devez me faire ; mais le destin, qui m’a fait vous distinguer de cette foule, ne m’aurait-il servi qu’à demi ? — Monsieur, répondit-elle avec un sourire malicieux, si le destin s’en mêle, il achèvera son ouvrage. »

Le député s’inclina en lui baisant respectueusement la main, la bagarre se dissipa et le convoi reprit la direction.

Le destin fit son métier en conscience. Chez la personne où Suzanne se rendit, on parla beaucoup de Fabre d’Églantine, les uns en bien, les autres en mal. Comme elle ne le connaissait pas, elle était médiocrement préoccupée de la conversation, quand