Aller au contenu

Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/36

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
OUBLIÉS ET DEDAIGNÉS.

ouvertement dans cette ville : il a été réduit à s’établir dans un petit village auprès d’Ostende, où il a monté son imprimerie. »

Cette existence nomade, et qui nous étonne si fort, était pour l’auteur des Annales un moyen puissant de popularité et de propagande. Il l’avait bien compris. Nous n’avons plus, à l’heure qu’il est, de ces journalistes habiles à se déplacer sans déplacer leur renommée ni leur influence, de ces hommes redoutables qui transformaient la presse en camp volant ; aujourd’hui plantant leur tente à Londres, demain devant Bruxelles, après-demain en vue de Vienne ou de Paris ; de ces séditieux à qui le moindre coin de terre obscur suffisait pour, de là, se faire entendre de toutes les capitales et de tous les ministres ! Le journalisme, né pour ainsi dire avec Linguet, avait pris avec lui un essor prodigieux et qu’il n’a plus retrouvé depuis ; le journalisme avait conquis une autorité universelle : dès sa naissance, il était arrivé à son apogée.

Ouvrons encore Bachaumont, quelques volumes plus loin :

« 31 août. Me Linguet a d’autant plus de peine à se départir de son rôle d’Arétin moderne, qu’il l’a trouvé très-lucratif l’année dernière, et qu’une année de son journal, tous frais faits, lui a rendu cinquante mille livres net. Son projet était de profiter de l’engouement général pour se faire ainsi rapidement une fortune qu’il bornait à trois cent mille livres ; alors il serait venu, disait-il, les manger paisiblement à Paris. Mais son inaction de quatre mois et les voyages qu’il a été obligé de faire lui ont écorné considérablement son petit trésor, en sorte qu’il faut re-