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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/390

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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

beaucoup entendu, on l’écoute sans trop d’ennui, bien qu’elle ait le verbe haut et désagréable.

Madame d’Arnaud, à ce que raconte un homme de lettres qui l’a vue plusieurs fois, n’aimait pas Voltaire, parce qu’il était, disait-elle, fort laid, fort avare, au point d’enlever, en Prusse, après le souper, des bouts de bougie. « Ce récit ajoute l’écrivain, sur les lèvres d’une femme chez qui le mensonge ne paraissait point habituel, malgré son ton excessivement criard, me causa quelque peine pour la gloire des lettres, et je ne pus jamais me décider à l’accepter comme une vérité[1]. »

Madame d’Arnaud assurait encore que le critique Fréron était très-gourmand. Lorsqu’il dînait en ville et qu’on le chargeait de dépecer le gigot, qu’il aimait beaucoup, il ne manquait jamais d’en réserver pour lui un morceau succulent. Un jour, madame d’Arnaud eut la cruauté de lui dire : « Monsieur Fréron, donnez-moi donc, je vous prie, du morceau que vous affectionnez tant et que j’aperçois sous le manche. »

Baculard d’Arnaud n’était guère aimé et encore moins estimé, si j’en juge par le portrait que trace de lui un pamphlet de l’an VIII, le Tribunal d’Apollon : « Taille fantasmagorique, figure lacrymale, habit noir, visage blême, œil bleu terne, perruque qui atteste l’existence de l’ancien régime, nez au vent, soupirs continuels. C’est le doyen des romanciers noirs. Hommage à ses talents ! et mépris à celui qui

  1. Confessions de J.-S. Quesné ;vol. in-8o.