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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/44

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OUBLIÉS ET DEDAIGNÉS.

vail. Même à Paris, au milieu de ses plus grands et plus vrais triomphes, il se levait régulièrement à deux heures du matin, dans toutes les saisons. Il n’avait pas de secrétaire et il ne faisait qu’un seul repas par jour.

Il était réellement religieux. Faisant allusion à d’Alembert, sa bête noire avant ou après La Harpe[1], il s’écriait : « N’est-ce pas une charlatanerie révoltante que cet acharnement théorique contre des dogmes qui gênent si peu dans la pratique ? Est-il permis à un homme raisonnable, qui a passé trente ans, de mettre seulement en question s’il croira à son catéchisme ? »

Quelques-unes de ses saillies méritent d’être retenues. Un jour, comme on parlait devant lui des Confessions de Jean-Jacques, il se leva de son fauteuil, et dit brusquement : « Rousseau est un fou qui, après nous avoir pendant sa vie débité mille extravagances, termine la farce en nous jetant son pot de chambre au nez ! » Une autrefois, s’exécutant lui-même de bonne grâce, il donna cette définition des journalistes : « Ce sont des cirons périodiques qui grattent l’épiderme des bons ouvrages pour y faire naître des ampoules. »

Retournée contre lui, l’arme de la critique, qu’il maniait avec si peu de ménagement, lui arrachait des cris de colère. Il écrivait au libraire Lacombe, directeur du Mercure : « Je ne veux de mal à personne, mais, quoique indulgent par caractère, je deviens

  1. Il faut également comprendre dans la catégorie de ses bêtes noires Morellet, qui écrivit contre lui le libelle intitulé : Théorie du paradoxe.