Aller au contenu

Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
OUBLIÉS ET DEDAIGNÉS.

Sébastien. Ce fut tout d’abord un jeune homme exclusivement épris de sciences et de belles-lettres, car à l’âge de vingt ans on le trouve professeur au collège de Bordeaux. Il débuta par toutes sortes de choses, par des héroïdes, par des discours académiques, par des traductions, par de mauvais petits romans, dont lui-même a fait plus tard assez bon marché, et dont nous ne parlerons pas. Il ne commença guère à être connu — et à se connaître — que du jour où il aborda le drame, auquel l’avaient prédisposé ses études des langues anglaise et allemande. Alors seulement Mercier sentit qu’il venait de trouver un terrain à son pied, un moule à sa fantaisie, le drame, qui se moque d’Aristote et de sa permission de vingt-quatre heures, qui accouple le rire et les larmes, qui se fait aussi grand et aussi bas que possible ! Voilà ce qui convenait à notre jeune enthousiaste, lequel avait quelque chose en lui de la nature bouillante de Diderot.

Mais, si le drame lui convenait, en revanche le public ne s’accommodait guère du drame, que les critiques bornés s’obstinaient à qualifier de genre bâtard. Le public supportait tout au plus La Chaussée, parce que c’était un homme de transition et de petit talent. Empreints d’une spontanéité plus franche, revêtus d’une couleur plus vraie, les drames de Mercier ne réussirent qu’à l’offusquer. Mercier ne se rebuta pas devant l’insuccès ; ce furent les comédiens qui se rebutèrent et qui prirent contre lui le parti du public, en ajournant indéfiniment la représentation d’une de ses pièces déjà reçue, et en lui en refusant successivement deux ou trois autres. Sébastien Mercier, irrité à juste titre, publia contre eux un