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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/59

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MERCIER.

mémoire virulent[1], et se fit recevoir avocat, dans le seul but de leur intenter un procès.

Sans doute, c’est de ce moment-là que datent ce fier orgueil et ce talent irascible qui devaient tour à tour faire de lui un sujet de risée et un sujet d’admiration. Nouveau Coriolan, retiré chez les littératures étrangères, il revint un beau jour mettre le siège devant la littérature de sa patrie, l’Essai sur l’art dramatique à la main. Ah ! nous parlons, nous autres, des romantiques et de leur croisade contre le grand siècle ! Lisez Mercier, et vous verrez combien auprès de lui les novateurs de 1830 paraissent petits en audace et en violences. On a appelé, je crois, Racine et Boileau des polissons ; lui les appelle les pestiférés de la littérature. Cet Essai, composé sous l’impression des refus outrageants de la Comédie française, produisit un certain émoi dans le monde littéraire et ébaucha sa réputation d’écrivain paradoxal. Dans cet écrit, remarquable cependant par beaucoup de côtés, il établit que Plaute n’est qu’un misérable farceur, que l’Iliade ne vaut pas les contes de Perrault, et que Racine a perdu la poésie française. Pour le temps, c’était hardi.

Ne voulant pas renoncer au théâtre sur le simple caprice de trois ou quatre comédiens, Mercier se décida à faire imprimer ses drames, laissant au hasard le soin de les acheminer vers la scène. Presque tous furent représentés en province et y obtinrent beaucoup de succès : ce qui, au bout de quelques années, força la main aux théâtres de Paris et les

  1. Mémoire contre les comédiens français et les gentilshommes ordinaires de la chambre du roi.