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Page:Monselet - Les Oubliés et les Dédaignés, 1876.djvu/70

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OUBLIÉS ET DEDAIGNÉS.

immédiatement à sa recherche si son ami ne lui apprenait en riant que ce portrait n’est autre que celui de la reine Cléopâtre.

Par-ci, par-là, les faiseurs d’épigrammes exerçaient leur malice contre Mercier, malice encore inoffensive, car il n’avait pas alors mis au monde ces foudroyants paradoxes astronomiques qui devaient plus tard augmenter de moitié sa renommée et diminuer d’autant son mérite. Voici comment se terminait un petit dialogue composé à propos de son Indigent, un de ses drames les plus pathétiques :

Mardi passé, j’eus un besoin urgent
De m’attendrir ; j’allai voir l’Indigent.
J’y versai tant de larmes que ma nièce
En les voyant me crut devenu fou…
— Moi, j’ai pleuré ce jour-là tout mon saoul
Rien qu’en lisant l’affiche de la pièce.

On lui a attribué une comédie semi-égrillarde sur Charles II, roi d’Angleterre, composée à l’occasion d’une aventure scandaleuse arrivée au comte d’Artois en 1789, et dont il est fait mention dans les mémoires secrets du temps. Disons que cette pièce, si elle ne peut supporter la représentation, peut du moins être lue sans danger.

Lorsqu’arriva la Révolution, Mercier était, si je peux m’exprimer ainsi, un talent sourdement célèbre. Il avait une activité prodigieuse, une imagination inépuisable ; tous les jours il travaillait régulièrement jusqu’à deux heures du matin. C’était à cette époque un homme dans toute la force de l’âge, un peu gros, mais doué d’une physionomie des plus expressives : l’œil ouvert et souriant, le nez mobile, la bouche