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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/199

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GÉRARD DE NERVAL

Combien Gérard devait se plaire dans un pareil lieu ! Tous les matins il descendait sur la place et y passait des heures entières ; il s’était pris surtout d’un véritable attachement pour un remarquable kakatoès ; plein de grandesse et d’éclat, attaché par une chaîne de cuivre à son juchoir. Au milieu du groupe de militaires et d’enfants qui ne cessaient de l’environner, ce kakatoès gardait la gravité d’un magistrat irréprochable ; mais faisait-on mine de l’agacer, il se hérissait, poussait un cri aigre, battait des ailes, et roulait sa langue épaisse dans son bec entr’ouvert. Il n’était accessible que pour Gérard de Nerval qui, rempli de façons aimables et d’attentions délicates, ne manquait jamais de venir chaque matin partager avec lui une demi-livre de cerises qu’il apportait dans son mouchoir. Quand les cerises étaient mangées, le kakatoès, pour manifester sa reconnaissance, se suspendait par le bec à l’un des bâtons et se balançait longtemps dans cette posture acrobatique, ou bien il mordillait le doigt de Gérard, ou il posait la patte sur son collet d’habit. Heureux kakatoès ! heureux Gérard !

Cette félicité innocente eut cependant une