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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/22

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LES RESSUSCITÉS

a eu tout le prestige d’une mort militaire.

Telle est l’histoire du grand duel de 1830. — L’école de Voltaire tomba dans la fosse avant d’y être poussée. Jusqu’au dernier moment, elle eut encore l’art de dissimuler son agonie, de poser du fard sur ses rides et de faire de son râle une tirade solennelle. Le jour de sa mort, elle mit sa cravate la plus blanche, son bas de soie le plus fin, son habit le plus académique, et elle se rendit sur le terrain, appuyée simplement au bras d’un vieux valet de chambre. Là elle regarda l’heure qu’il était à sa montre, et, sentant qu’il lui restait encore quelques minutes de bravade, elle les employa à tirer lentement ses gants et à se boutonner jusqu’au menton d’un air héroïque. Puis, elle se mit en garde, et, après avoir croisé le fer, elle s’affaissa tout à coup en portant la main à son cœur et s’écriant : — « Touché !…  »

Mensonge ! — L’école de Voltaire est morte de sa belle mort, et sans avoir eu besoin de personne pour l’y aider. Elle est morte de vieillesse et pas autrement ; parce qu’elle avait vécu sa vie pleine et entière, et qu’il était temps de mourir.