Aller au contenu

Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
CHATEAUBRIAND

dirigea vers le bois ; parvenu à l’extrémité du grand mail, il se retourna pour regarder pardessus les arbres une petite tourelle ; — il disparut…

Et lui aussi, René, avait rêvé le suicide ; mais, entre la tombe et lui, une voix s’était élevée : « Ingrat, tu veux mourir, et ta sœur existe ! Tu soupçonnes son cœur ! Ne t’explique point, ne t’excuse point, je sais tout ; j’ai tout compris, comme si j’avais été avec toi. Est-ce moi que l’on trompe, moi qui ai vu naître tes premiers sentiments ? Voilà ton malheureux caractère, tes dégoûts, tes injustices ! Jure, tandis que je te presse sur mon cœur, jure que c’est la dernière fois que tu te livreras à tes folies ; fais le serment de ne jamais attenter à tes jours ! »

Chateaubriand tint le serment de René. Quelques heures après, calme en apparence, il rentrait au manoir de Combourg. Ce qui s’était passé dans son âme, Dieu seul le sait. Tous les hommes forts comptent un jour semblable à l’entrée de leur vie, un jour où ils se demandent s’il est nécessaire d’aller plus loin et s’il ne vaudrait pas mieux briser sa pensée que de se laisser briser par elle ; si la mort