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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/35

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CHATEAUBRIAND

d’un gentilhomme, la restauration religieuse qu’il doit fonder un jour en sera plus importante et mieux assise. Il y a du sang de croisé dans ses veines ; c’est Tancrède revenu pour replanter une seconde fois la croix sur le tombeau de Dieu le Fils.

Qu’on se figure un jeune homme de petite taille, fort maigre, aux épaules un peu élevées, ainsi que dans toutes les grandes races militaires, selon une de ses expressions. Sa tournure est inquiète, presque timide. Il penche habituellement la tête ; mais c’est une tête sculptée avec largeur comme la plupart des têtes bretonnes, épais cheveux, épais sourcils, regard habité par la pensée. Si c’est particulièrement au front, blason vivant, que se reconnaissent les gentilshommes de l’intelligence, le chevalier de Chateaubriand porte sur le sien sa noblesse inscrite en lignes splendides. Pâle comme Bonaparte, de cette pâleur qui n’a rien à démêler avec la maladie, il y a sous l’accent profond de ses traits une teinte de mélancolie hautaine qui ne le quittera plus. Le nez est long, insensiblement courbé et pincé vers son extrémité inférieure. La bouche est petite, avec des lèvres minces qu’on