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Page:Monselet - Les Ressuscités, 1876.djvu/39

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CHATEAUBRIAND

Chateaubriand. Il donne une magnifique idée de sa manière et de son style[1].

Mais ce qu’il avait désir de voir, c’étaient principalement les cercles du beau langage, les salons à la mode, l’Académie et ses succursales. N’avait-il pas dans une des basques de son uniforme deux à trois milliers de rimes, oiseaux brillants qui n’aspiraient rien tant qu’aux délices de la volière ?

  1. Dans son livre de Philosophie et littérature, M. Victor Hugo a, lui aussi, esquissé cette grande figure de Mirabeau. Il est peut-être curieux de comparer le choc de ces deux pensées sur le même homme, l’étincelle de ce fer rouge sous ces deux marteaux. Voici le texte de M. Victor Hugo :
     « Tout en lui (Mirabeau) était puissant. Son geste bru et saccadé était plein d’empire. À la tribune, il avait un colossal mouvement d’épaules, comme l’éléphant qui porte sa tour armée en guerre. Lui il portait sa pensée. Sa voix, lors qu’il ne jetait qu’un mot de son banc, avait un accent formidable et révolutionnaire qu’on démêlait dans l’Assemblée comme le rugissement du lion dans la ménagerie. Sa chevelure, quand il secouait la tète, avait quelque chose d’une crinière. Son sourcil remuait tout, comme celui de Jupiter, cuncta supercilio moventis. Ses mains quelquefois semblaient pétrir le marbre de la tribune. Tout son visage, toute son attitude, toute sa personne était bouffie d’un orgueil pléthorique qui avait sa grandeur. Sa tête avait une laideur grandiose et fulgurante dont l’effet par moments était trique et terrible. Le génie de la révolution s’était forgé une avec toutes les doctrines amalgamées de Voltaire, d’Helvétius, de Diderot, de Bayle, de Montesquieu, de Hobbes, de Locke et de Rousseau, et avait mis la tête de Mirabeau au milieu. »