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Page:Montesquieu - Deux opuscules, éd. Montesquieu, 1891.djvu/37

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MONARCHIE UNIVERSELLE

Prince. Les Rois d’Angleterre qui avoient de très-grands revenus firent de très-grandes choses, & les Rois de France qui avoient de plus grands Vassaux en furent longtems beaucoup moins aidés que troublés.

Lorsque les Armées conquirent, les Terres furent partagées entre elles & les Chefs ; mais plus la conquête étoit ancienne, plus on avoit pu dépouiller les Rois par des usurpations, des dons & des récompenses ; & comme les Normands furent les derniers Conquerans, le Roi Guillaume qui se réserva tout le Domaine ancien avec ce qu’il eut par le nouveau partage, fut le plus riche Prince de l’Europe[1].

Mais lorsque nous comprîmes en France qu’il étoit plus question de lasser les Anglais que de les vaincre, que nous nous donnâmes le tems de jouir de leurs divisions intestines, que nous commençâmes à nous défier des batailles, à comprendre que notre Infanterie étoit mauvaise & qu’il falloit faire une guerre serrée, nous changeâmes de fortune comme de prudence ; & comme nous étions toujours près & eux toujours loin, ils furent bientôt réduits à leur Isle & reconnoissant la vanité de leurs anciennes entreprises ils ne songèrent qu’à jouir dîme prospérité qu’ils avoient toujours pu avoir & qu’ils n’avoient pas encore connue.

  1. Ses revenus montoient à mille soixante-une livres Sterling par jour (Orderici Vital. I). (M.)