Page:Montesquieu - Deux opuscules, éd. Montesquieu, 1891.djvu/56

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en Europe les Edits des Princes affligent, même avant qu’on ne les ait vus, parce qu’ils y parlent toujours de leurs besoins & jamais des nôtres. Les Rois d’Orient[1] sont riches parce que leur dépense n’augmente jamais, & elle n’augmente jamais parce qu’ils ne font point des choses nouvelles, ou s’ils en font, ils les préparent de loin ; lenteur admirable qui fait la promptitude dans l’exécution : ainsi le mal passe vite & le bien dure long-tems, ils croyent avoir beaucoup fait en maintenant ce qui a été fait, ils dépensent en projets dont ils voyent la fin, & rien en projets commencés : enfin ceux qui gouvernent l’Etat ne le tourmentent pas, parce qu’ils ne se tourmentent pas eux-mêmes.

On voit que dans tout ceci je n’ai eu en vue aucun Gouvernement de l’Europe en particulier, ce sont des reflexions qui les regardent tous :

Iliacos intra micros peccatur et extra.


FIN
  1. Dans tout ceci je ne prétends pas louer le gouvernement des peuples d’Asie, mais leur climat ; j’avoue même qu’ils donnent dans une autre extrémité qui estime impardonnable nonchalance. (M.)