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Page:Montesquieu - Deux opuscules, éd. Montesquieu, 1891.djvu/65

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dire que la conquête de l’Univers a fait tort à Alexandre, lorsqu’on Ta comparé à César.

L’orgueil des hommes est presque la cause unique de tous les effets moraux, on s’impatiente dans la recherche des causes morales de le trouver toujours sur son Chemin, et d’avoir toujours la même chose à redire.

Cet orgueil qui entre dans tous nos jugements met une certaine compensation dans toutes les choses d’ici bas, et venge bien des gens des injures de la fortune.

Un homme est d’une noblesse distinguée, s’il n’a point de bien on lui laissera sa noblesse, on se plaira même à la relever, mais si sa fortune donne de l’envie on examinera sa naissance avec les yeux de l’envie, — non seulement on lui disputera la chimère, mais aussi on lui ôtera du réel ; que deux hommes portent le même nom soyez sûr que le courtisan sera le faux et le provincial le bon.

Ce n’est pas qu’il ne puisse arriver que l’on conserve sa réputation, soit que l’envie ne réussisse pas toujours, soit que de certains moyens que fournit la prudence la soutiennent contre l’envie.

Pour acquérir la réputation, il ne faut qu’un grand jour, et le hasard peut donner ce jour ; mais pour la conserver il faut payer de sa personne presque à tous les instants.

Quelquefois on y réussit par sa modestie, d’autre-