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De l’esprit des Lois,

vendre ; & toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels.

Mais si l’esprit de commerce unit les nations, il n’unit pas de même les particuliers. Nous voyons que dans les pays[1] où l’on n’est affecté que de l’esprit de commerce, on trafique de toutes les actions humaines, & de toutes les vertus morales : les plus petites choses, celles que l’humanité demande, s’y font ou s’y donnent pour de l’argent.

L’esprit de commerce produit dans les hommes un certain sentiment de justice exacte, opposé d’un côté au brigandage, & de l’autre à ces vertus morales qui font qu’on ne discute pas toujours ses intérêts avec rigidité, & qu’on peut les négliger pour ceux des autres.

La privation totale du commerce produit au contraire le brigandage, qu’Aristote met au nombre des manieres d’acquérir. L’esprit n’en est point opposé à de certaines vertus morales : par exemple, l’hospitalité, très-rare dans les pays de commerce, se trouve admirablement parmi les peuples brigands.

C’est un sacrilege chez les Germains, dit Tacite, de fermer sa maison a quel-

  1. La Hollande.