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Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 2.djvu/328

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De l’esprit des Lois,

creuser des puits, bâtir des villes ; il défendit aux Icthyophages[1] de vivre de poisson : il vouloit que les bords de cette mer fussent habités par des nations civilisées. Néarque & Onésicrite ont fait le journal de cette navigation, qui fut de dix mois. Ils arriverent à Suze ; ils y trouverent Alexandre qui donnoit des fêtes à son armée.

Ce conquérant avoit fondé Alexandrie, dans la vue de s’assurer de l’Égypte ; c’étoit une clef pour l’ouvrir, dans le lieu même[2] où les rois ses prédécesseurs avoient une clef pour la fermer ; & il ne songeoit point à un commerce dont la découverte de la mer des Indes pouvoit seule lui faire naître la pensée.

Il paroît même qu’après cette décou-

  1. Ceci ne sauroit s’entendre de tous les Icthyophages qui habitoient une côte de dix mille stades. Comment Alexandre auroit-il pu leur donner la subsistance ? Comment se seroit-il fait obéir ? Il ne peut être ici question que de quelques peuples particuliers. Néarque, dans le livre rerum Indicarum, dit, qu’à l’extrémité de cette côte, du côté de la Perse, il avoit trouvé des peuples moins icthyophages. Je croirois que l’ordre d’Alexandre regardoit cette contrée, ou quelqu’autre encore plus voisine de la Perse.
  2. Alexandrie fut fondée dans une plage appelée Recotis. Les anciens rois y tenoient une garnison, pour défendre l’entrée du pays aux étrangers, & sur-tout aux Grecs qui étoient, comme on sait, de grands pirates. Voyez Pline, liv. VI, chap. x, & Strabon, liv. XVIII.