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Page:Montholon - Souvenirs de Sainte-Hélène, 1901.pdf/56

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moins malheureux, et cependant, j’avais le cœur bien serré !

Lorsque je montai à bord, l’Empereur était déjà assis sur le pont. On m’apporta une chaise et je me trouvai à côté de lui ; il était calme, froid et pensif. Au bout de quelques minutes d’un silence solennel, il me dit en passant la main sur la manche de son habit : « Est-ce vert ou bleu ? » — On sait que l’Empereur avait de la peine à distinguer les couleurs. — Je fus si étonnée de cette question, que je tardais à répondre, croyant avoir mal entendu. Il me répéta doucement et à voix demi-basse la même question. « Vert, Sire, » répondis-je. Il reprit encore comme pour bien s’en assurer : « Vert ?Oui, Sire, vert. » Il était en frac et tenait sans doute à être vêtu de la couleur de l’uniforme qu’il portait toujours, celui des chasseurs de la Garde impériale… On apporta du café pur, il en prit.

L’embarquement terminé, on fit voile ; le Bellérophon était en vue. Bientôt la chaloupe de ce vaisseau, montée par le 1er lieutenant, fut envoyée pour nous transborder. Le lieutenant monta sur le pont de l’Épervier et fit en anglais le discours obligé. Cet habit de la marine an-