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Page:Morice - Aux sources de l'histoire manitobaine, 1907.pdf/35

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prédications et entretiens privés de l’apôtre de la Rivière-Rouge le portèrent alors à se consacrer au ministère pénible pour lequel celui-ci cherchait des hommes de bonne volonté. Il partit avec lui après avoir passé quelques mois au lac des Deux-Montagnes pour s’initier aux secrets des langues indiennes par l’intermédiaire de l’algonquin.


Arrivé à la Rivière-Rouge, il se mit à l’étude de la langue sauteuse, dont il acquit à la longue une telle connaissance qu’il en composa une grammaire et un dictionnaire. En 1834, il fonda la mission de la baie Saint-Paul, sur l’Assiniboine, pour le bénéfice des Sauteux, qu’il essaya, sans trop de succès, à grouper autour d’une église. D’après A. Ross, M. Belcourt était un homme actif, plein d’intelligence et d’initiative[1]. L’auteur écossais ajoute qu’il « comprenait la langue sauteuse mieux que les sauvages eux-mêmes »[2], voulant sans doute donner à entendre qu’il se rendait de sa morphologie un compte plus raisonné que les indigènes.

Dans l’automne de 1834, il se trouvait à Saint-Boniface quand Thomas Simpson, qui devait plus tard se faire un nom comme explorateur arctique non moins que par sa fin tragique sur les prairies américaines, fendit la tête d’un métis qui réclamait impérieusement ses gages. Indignés de ce traitement et hors d’eux-mêmes à la vue du sang qui coulait, ses compatriotes voulaient faire payer cher l’outrage que le jeune commis avait fait à leur nation. Comme ni le gouverneur ni ses lieutenants ne réussissaient à calmer les esprits, ils durent avoir recours aux bons offices de M. Belcourt en allant eux-mêmes le prier de venir prévenir un malheur[3].

Son ministère de paix ne fut pas exercé en vain. Mais dans la suite sa grande sympathie pour les Canadiens et les métis l’ayant porté à rédiger une pétition, contre les exactions de la Compagnie de la Baie d’Hudson et du gouvernement qu’elle entretenait sur les bords de la Rivière-Rouge, il encourut l’ire du gouverneur, qui exigea son départ de la colonie sous peine de faire peser son courroux sur tout le clergé catholique du pays. En conséquence, nous le trouvons, le 21 décembre de l’année

  1. The Red Hiver Settlement, p.  285.
  2. Ibid., p. 286.
  3. Je tiens cette circonstance d’un passage d’une lettre de M. Belcourt lui-même que je cite plus loin, et qui montre que M. Dugas n’exagère certainement pas le rôle que le premier joua alors, quand il écrit que le gouverneur « l’envoya prier de venir à son secours » (Histoire de l’Ouest canadien, p. 68).