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Page:Morice - Aux sources de l'histoire manitobaine, 1907.pdf/89

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continuer à gouverner jusqu’à l’arrivée d’Archibald. Pareil raisonnement n’est pas sérieux, et n’est pas fait pour préoccuper un esprit non prévenu.

L’exécution de Scott était-elle justifiée ? J’en ai assez dit pour permettre au lecteur de répondre lui-même à cette question. Encore une fois, il était bien pénible d’en être réduit, ou de se croire réduit, à pareille extrémité. Mais si nous nous rappelons ce qui précéda cette mesure de rigueur et considérons ce qui la suivit, nous n’aurons pas de peine à nous imaginer le but qu’on se proposait en y recourant. Auparavant, c’étaient des complots incessants et un état d’insécurité qui était devenu si insupportable que nombre d’honnêtes gens parlaient de quitter la colonie s’il durait davantage. Après, ce fut un calme général, qui permit à chacun de vaquer sans crainte à ses occupations ordinaires[1].

En outre, il convient de ne pas oublier qu’en des temps troublés par les passions politiques ou autres, l’autorité a des prérogatives qui deviennent facilement des devoirs quand elle est attaquée. La période de transition que traversa l’Assiniboia ressemble assez à ces circonstances extraordinaires dans la vie des peuples qui entraînent la proclamation de la loi martiale. Quiconque veut alors résister aux pouvoirs établis doit être prêt à en subir les conséquences.

Et puis les doux Ontariens qui voulurent « lyncher » les représentants du gouvernement de la Rivière-Rouge, et l’auraient probablement fait s’ils eussent pu s’en emparer, n’ont guère le droit de jeter la pierre aux métis ; ceux-ci n’exécutèrent un révolté qu’après un procès régulier, précédé d’avertissements qui étaient aussi charitables d’un côté qu’ils furent dédaigneusement repoussés de l’autre.

  1. Il est bon de savoir aussi que les Anglais du Portage n’eurent pas plus tôt consenti à reconnaître le gouvernement provisoire, à la demande formelle de l’envoyé du Canada, M. Donald-A. Smith, dans le but d’obtenir la grâce du capitaine Boulton, qu’ils écrivirent à Riel, cette grâce une fois accordée, que leur soumission n’était rien moins que sincère, car disaient-ils en toutes lettres, « nous renverserons le gouvernement aussitôt que nous le pourrons ». Cette communication lui fut adressée avant l’exécution de Scott. Après que ce gouvernement eut montré qu’il était capable de se défendre, toute tentative de résistance cessa comme par enchantement.